Les dimensions du terrain en géographie

Publié le par fibra

Les dimensions du terrain en géographie

 

Introduction :

 Lorsqu'une discipline ou des disciplines s’imposent comme telles, en forgeant les méthodes et les objets propres à elles, en les étudiant pour ainsi pouvoir comprendre et saisir la logique des phénomènes et leurs rapports internes en dévoilant les mécanismes du fonctionnement et du développement de tels ou tels processus, et lorsque ces disciplines ont atteint un stade important de maturation et de clarté tant méthodologique que théorique, elles s’interférent dans le but de mieux appréhender leurs objets d’étude qui n’est enfin de compte qu’un et un seul, mais diversifié, et vu de plusieurs dimensions. Je parle des sciences humaines et sociales qui, chacune d’elles, se spécialise dans un aspect qui ne peut être compris finalement que si on fait appel aux études faites sur d’autres aspects de la réalité sociale, qui est une réalité cohérente indissociable. 
L’interdisciplinarité est justement une complémentarité des réflexions plurielles sur les mêmes situations sociales. La pluralité des disciplines dans le domaine de la réalité sociale n’est qu’une question de méthode, vu l’impossibilité de rassembler toutes les dimensions d’étude dans une seule et unique discipline en prétendant répondre à la complexité de la vie sociale.
La pluralité des disciplines reflète la complexité d’objet d’étude. Mais, l’interdisciplinarité est nécessaire, souhaitable et incontournable, si on veut aborder des phénomènes complexes, mobiles et qui se développent en permanence.

Cette petite introduction est une évidence. L’article qui est entre nos mains en est témoin. 
Rendre possible le dévoilement des processus de connaissance et les conditions nécessaires à la production de la pensée scientifique, incite les disciplines à faire appel à la philosophie comme pensée qui pense la pensée, qui interroge son contenu et ses méthodes. Parler de « la science de la science » ou de « la sociologie de la sociologie » ou de « la géographie de la géographie », etc. affirme ce qu’on dit de l’introduction du discours philosophique et la pratique de l’épistémologie de/sur sciences, pour surpasser les obstacles et se débarrasser des notions du sens commun , tout en prenant en considération les conditions matérielles et non matérielles de la production des savoirs.

Le « terrain » est un exemple, il « est dorénavant systématiquement analysé et critiqué afin de prendre en compte les conditions subjectives et sociales de productions des savoirs. » Ainsi le terrain, créé par la recherche et les pratiques des chercheurs, rend l’esprit plus éveillé et les sens donnés aux choses plus subtils et plus précis, ce qui génère la clarté et la scientificité de la démarche poursuivie. L’objectivation donc des pratiques du terrain nous éloigne de la spéculation et du travail du cabinet qui s’appuie sur les documents et les recherches précédentes, sans autant découvrir le terrain dans sa complexité et sa mobilité permanente. Ainsi, dans la production des savoirs géographiques sur les migrations internationales et les mobilités – problématique que cet article discute-, une dualité s’impose inévitablement, pour mieux comprendre les flux migratoires surtout dans l’espace subsaharien cité dans l’article. « La fixité permanente et les déplacements réguliers ». La fixité permet de comprendre en profondeur l’objet d’étude sur un même et seul terrain, mais ne pose-t-elle pas le problème d’échappement des vérités latentes qui dépendent de la nature mobile du phénomène migratoire ? Peut-on alors saisir les mécanismes du fonctionnement de migration tout en se fixant dans un terrain ? Les migrants ne sont-ils pas mobiles de nature, puisque l’émigration est un déplacement permanent dans l’espace ? 

Les déplacements réguliers est une nécessité méthodologique pour le chercheur et une évidence pour les migrants, puisque l’objectifs n’est jamais proche, mais lointain et suppose un longtemps et des espaces variés avec, bien sûr, des contraintes, des arrêts, des pannes, des embêtements des contrôles des territoires par les Etats et ses agents différents et multiples. 
Par conséquent, le rapport entre les deux termes de la même situation ; « sédentarité » et « mobilité » entre « profondeur » et superficialité », est toujours en conformité et en correspondance, les deux ne se contredisent pas, mais se complètent et l’un fait appel à l’autre. C’est depuis cette relation que les pratiques de terrain doivent être repensées, car il s’agît de l’être humain ; objet d’étude de chercheur.

Lorsqu’on traverse les régions soit comme voyageur ou exploiteur ou chercheur, on se met face à l’être humain. « L’exploration de l’Afrique au 19ème siècle peut être reconnue comme une entreprise géographique (qui) dépasse, et de loin, les visées des géographes eux-mêmes (…) elle illustre le passage d’une géographie de la localisation et de l’inventaire à une géographie tournée vers l’homme. » Le voyage étant circulation et mobilité est profitable « aux explorateurs-scientifiques », vu la richesse de la découverte et l’infinité des observations au cours des déplacements continus.

L’anthropologie, avec ses méthodes du terrain, surtout l’observation participante dans le terrain fixe, était un moment très marquant au début du 20ème siècle, qui a changé la vision des sciences sociales et les a orientées vers le terrain fixe à longue durée, ce qui allait à l’encontre de ceux qui se déplaçaient et ceux qui travaillaient en s’appuyant sur les « données recueillies par d’autres ». Mais, les migrations internationales qu’on traite dans ce propos n’est pas comme les tribus fixes dans un espace que l’anthropologue observe à longue durée. Les migrants sont en mobilité continue et ne pensent même pas de la même façon leur situation. Dans la tribu on peut observer une normalité du processus de la vie sociale et culturelle, mais chez les migrants tout change avec le temps et l’espace, ils changent de vision tout en changeant de résidence, ils changent de vision tout en changeant les conditions de vie quotidienne.
Le terrain dans les études migratoires revêtit une signification différente de celle conçue dans les études anthropologiques comme terrain fermé et délimité. Celles-là le conçoivent dans deux dimensions en interdépendance ; « superficialité » et « profondeur », « mobilité » et « immobilité ».
 
Dans le cas des mouvements migratoires dans l’espace africain, le Niger devient un espace de transition pour les migrants venant des pays voisins : le Tchad, Nigéria, Bénin, Burkina Faso, et bien d’autres. Le Niger est aussi est un pont qui lie les pays cités avec les autres comme l’Algérie, la Libye, le Maroc… qui deviennent de plus en plus des espaces transitaires vers l’Europe. Le changement des espaces par les migrants qui se déplacent tout le temps, incite les chercheurs à étudier la nature des comportements que provoque cette instabilité permanente et à voir comment la vie quotidienne s’organise dans un réseau de relations interindividuelles , et comment est-ce qu’ils conçoivent leurs projets. Et, cette dynamique et ces déplacements constants des migrants présupposent une mobilité pareille de la part de l’observateur, chercheur, qui ne doit pas passer à côté de cette réalité ou se fixer dans un terrain, mais doit se comporter à la façon des migrants et en faire partie.

Ce qui nous renvoie à voir la mobilité sous deux angles : la mobilité sur le terrain et la mobilité comme terrain. Dans ce cas d’Afrique subsaharienne, l’auteur parle de trois phases de la mobilité sur terrain , telles que ; après avoir choisi la zone d’étude , il a pris comme point de départ qui est le Niger , Agadez au nord où il s’est rendu et depuis ici qu’il arrive à déterminer les trois formes du temps ; dans le premier , il a circulé pendant des mois , pour ainsi prendre contact avec la zone concernée, afin de ne pas être trompé par des préjugés ou des représentations établies a priori. Puis, dans le deuxième temps, il a subdivisé le terrain en « tous-terrains », ceux sont des endroits et des lieux où se croisent les migrants, les moyens de déplacements utilisés, les lieux de négociations pour l’organisation des voyages, ainsi pour des lieux des conflits qu’engendre cette situation et enfin les lieux d’obstacle, frontières, barrières. Finalement, le troisième temps est celui de la contrainte, c‘est-à-dire les lieux inaccessibles et impossible à s’y rendre. Les facteurs d’interdiction sont inhérents aux complications administratives, cas de la non délivrance de visa ou la présence des militaires sur la zone.

Les facteurs / temps ont déterminé la mobilité de l’auteur/chercheur/observateur/accompagnateur des migrants dans leurs déplacements dans des espaces multiples et diversifiés qu’on vient de citer là haut. « Cette pratique de la mobilité sur terrain a permis, selon l’auteur, d’étudier les transformations progressives : - des discours des migrants concernant les raisons de leur départ (ces discours changent au fur et à mesure que les migrants s’éloignent de leurs pays de départ).- de leurs comportements d’appartenance, qui se transforment en fonction des situations rencontrées à chaque étape.- et aussi de leurs projets migratoires : les projets qui portent la migration ne sont pas fixes mais se recomposent en permanence, au fur et à mesure des parcours, selon les informations qui parviennent aux migrants, selon les opportunités qui se présentent à eux, et selon les contraintes rencontrées. »

  
Conclusion :
Nous remarquons d’après ce qu’on vient de citer et d’emprunter au chercheur/enquêteur, que la terrain multi-site est une méthode incontournable pour appréhender la migration comme processus dynamique, en mouvement permanent et qui engendre des situations assez différentes et plurielles, et nous apprend que les migrants ne sont pas une unité homogène, et ne sont pas unidimensionnels, chaque étape qu’ils parcourent et chaque site qu’ils traversent, changent en eux beaucoup de choses, quelles soient sentimentales propres à chaque individu ou en rapport avec leurs projets de migrations qui dépendent de ce qu’ils rencontrent tout au long de leurs déplacements dans le Sahara. 

Reste à dire que les multiples sites ne constituent pas des sites isolés l’un de l’autre, mais au contraire, ils sont en interdépendance et sont des variantes d’un tout cohérent et unifié. Le facteur qui les unit tous n’est bien sûr que la complexité du mouvement migratoire, comme processus continu et non des fragments et des parties isolées l’une de l’autre.
La mobilité donc est un terrain de recherche.

 

Références bibliographiques :

Brachet, Julien, 2005, « Migrants, transporteurs et agents de l’Etat : rencontre sur l’axe Agadez-Sebha »,autrepart.

Caillé,René,1996(1830) , voyage à Tombouctou, La Découvetre, Paris :373.

Brachet, Julien,2007, un désert cosmopolite, Migrations de transit dans la région

d’Agadez(Sahara nigérien), Thèse de doctorat, département de géographie , uiversité Paris1

Panthéon-Sorbonne, Paris :49.

Balandier,Georges, 1985(1955), sociologie des Brazzavilles noires, Presses de la FNSP, Paris

:306
Balandier,Georges, 1992(1957),Afrique ambigüe, 5ème édition, Terre humaine, Pocket,Plon, Paris :293.

 

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